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Modélisation
Pendulette à échappement Frainier
De la fausse piste au modèle utile

Le réglage d’une pendulette comportant un échappement de type « Frainier » est contre intuitif : lorsqu’elle retarde, il faut allonger la pendulette et lorsqu’elle avance il faut la raccourcir.

Article mis en ligne le 9 octobre 2025
dernière modification le 28 octobre 2025

par Bernard Chabloz, Bernard Vuilleumier, ChatGPT

La pendulette Frainier « doigt-coulisse » (brevet 1908) comporte un doigt fixe sur un disque échancré solidaire de l’axe moteur. Ce doigt coulisse librement dans une lumière verticale d’un bras oscillant solidaire de la pendulette. Dans ce montage, l’axe fait un tour par oscillation complète (aller-retour) de la pendulette. Le doigt décrit un cercle autour de l’axe et pousse le bras via la normale à la coulisse.

Une première fausse piste

Après une première observation, nous trouvons contre-intuitif qu’allonger la pendulette la fasse avancer (période plus courte). Nous avons en tête le pendule simple, pour lequel augmenter la longueur ralentit toujours.
La clef oubliée : ici, il s’agit d’un pendule physique, dont la période dépend non seulement de la géométrie, mais surtout de la distance $d$ entre pivot et centre de masse (CM), et du moment d’inertie $I$ autour du pivot.

Quand le pivot O est proche du centre de masse G (petit $d$), la formule asymptotique montre que la période décroît quand $d$ augmente. Autrement dit, si nous descendons la masse de réglage $m_2$ (nous augmentons $l_2$, donc $d$), la pendulette accélère. Nous pouvons tenter d’expliquer l’effet par un "tirage de phase" de l’échappement : ce n’est pas pertinent. Le phénomène s’explique d’abord par la mécanique du pendule physique.

Mesurer $I$ et $d$ expérimentalement

Nous partons d’une mesure de période $T$ (petit angle, ou corrigée de l’amplitude), puis nous ajoutons une petite masse d’essai $m_a$ à une distance connue $x$ du pivot et nous remesurons la période $T_1$.
Ces deux mesures suffisent pour identifier :

  • $d$ : distance pivot-CM
  • $I$ : moment d’inertie autour du pivot, et donc $I_{cm}$ via l’axe parallèle

C’est une méthode robuste : deux expériences, deux inconnues. [1]

Un modèle simplifié mais utile

Pour comprendre l’effet du réglage, nous pouvons "éteindre" l’échappement : couple nul et frottements négligeables. Nous modélisons alors la variation observée comme une translation du pivot par rapport au CM : nous supposons $I_{cm}$ constant et longueur $I$ constante, et nous ne faisons varier que $d$. Dans ce cadre, la période s’écrit comme une fonction très simple de $d$ [2]. C’est exactement ce qu’il faut pour raisonner vite sur le réglage "avance-retard" [3].

Deux modèles comparés [4]

Nous comparons un CM fixe à un CM déplacé par la masse de réglage. Dans la pendulette réelle, nous agissons sur une masse au bout de la tige : nous modifions principalement $l_2$, donc $d$, et un peu l’inertie $I$ (puisque la masse se déplace). Pour éclairer ce point, nous mettons en vis-à-vis :

  • Modèle A (CM "fixe") : on varie $d$ en "translatant" le pivot (fiction utile) ; $I_{cm}$ et la longueur restent constants.
  • Modèle B (type "haltère") : deux masses $m_1, m_2$ sur une tige ; nous allongeons $l_2$ pour obtenir la même variation de $d$ que dans A. Ici, $I$ et la longueur effective changent avec $l_2$.

Résultat : autour du point de fonctionnement (valeurs typiques : $m=0.125$ kg, $d\simeq 2.6$ mm, $I_{\text{pivot}}=4.65\times 10^{-4}$ kg*m$^{2}$), les deux modèles donnent des périodes quasi identiques pour une même variation de $d$. La différence n’apparaît que pour des réglages amples, car le modèle B fait varier $I$ en plus de $d$.
En pratique, pour de petits réglages (fraction de tour en vissant ou dévissant la masse $m_2$), le modèle A suffit pour estimer l’effet sur $T$. Si l’oscillation n’est pas infinitésimale, nous multiplions la période "petit angle" par $1+\theta_0^2/16$. Cette correction s’applique de la même façon aux deux modèles.

L’échappement Frainier : trois niveaux de représentation

1) Période cible avec couple moyenné.
Nous remplaçons l’action crénelée de l’échappement par un couple moyen constant sur une période. Nous dimensionnons ce couple pour atteindre une période cible.

2) Période cible, périodes mesurées.
Nous comparons la période imposée par le dimensionnement (cible) et la période observée au modèle (mesure), pour ajuster le couple moyen et/ou $d$.

3) Couple "fenêtré" (modèle impulsionnel) et blocage de phase.
Nous représentons l’échappement par deux fenêtres d’impulsion par période (durées relatives $D_1,D_2$, déphasages $\delta_1,\delta_2$, asymétrie $\mu$) et un niveau de couple $\tau_0$.
Deux stratégies :

  • "Libre" : impulsions placées en temps selon la période instantanée du pendule
  • "Phase-lock" : impulsions recalées sur les passages au centre (zéros de $\theta$), ce qui stabilise la phase et la période simulées [5]

Ce troisième niveau permet d’expliquer l’asymétrie d’impulsion vue en vidéo, de distinguer les rôles de $D_1,D_2,\mu,\delta_1,\delta_2$ et d’évaluer l’influence d’un réglage sur l’avance-retard.

Vers un moment d’inertie "théorique"

Nous pouvons tenter de recalculer $I$ à partir d’une décomposition de masses (tige, lentille, boîtier), de mesures géométriques (photo calibrée, CAO légère) et du théorème des axes parallèles.
C’est instructif, mais en pratique :

  • les incertitudes sur les répartitions de masse dominent vite
  • la méthode expérimentale (section 2) reste le référentiel pour $I$ et $d$, quitte à s’en servir pour calibrer les hypothèses du modèle théorique

Ce qu’on retient

  • Quand le pivot est près du CM, augmenter $d$ (descendre la masse de réglage) raccourcit la période : la pendulette avance.
  • Pour de petits réglages, on peut modéliser l’effet via $d$ seul avec $I_{cm}$ constant : c’est simple et quantitativement juste.
  • Le modèle "haltère" affine l’histoire quand on déplace réellement une masse : pour une même variation de $d$, il prédit des périodes très proches du modèle simple.
  • Le modèle impulsionnel de l’échappement (fenêtres d’impulsion) explique les détails dynamiques (asymétries, synchronisation).

Pour aller plus loin (idées de TP)

  • Refaire l’identification $(I,d)$ avec deux petites masses $m_a$ et deux positions $x$ différentes (sur-détermination).
  • Évaluer l’erreur commise quand on fige $I_{cm}$ alors qu’on déplace réellement la masse : comparer modèles A et B pour $\Delta d = \pm 0.5$ mm, $\pm 1$ mm.
  • Implémenter le blocage de phase (mise à jour de la demi-période aux zéros de $\theta$) et comparer la dispersion de période avec le mode libre.